23 janvier 2017, Jean-François Nadeau, Actualités en société, Chroniques
Les patrons ne sont pas assez payés. On le sait. Ils ne le sont pas assez parce que, bien entendu, ils sont irremplaçables.
En vertu de quoi ces grands patrons, tous si doués, devraient-ils accepter de travailler pour moins que quelques millions de dollars par année ?
Même une fois qu’ils sont partis, on continue pour cette raison de les payer comme s’ils venaient d’arriver. L’ex-patron de Volkswagen, viré à cause de la tricherie que l’on sait, touche désormais, à titre de retraite, la bagatelle de 4400 $ par jour.
En somme, ce n’est que justice si huit hommes possèdent désormais autant de richesses à eux seuls que la moitié la plus pauvre de la planète : voilà le fruit légitime de leur dur labeur.
Chez nous, les deux milliardaires que sont le baron David Thomson et Gordon Weston cumulent à eux deux la richesse possédée par les 11 millions de Canadiens les plus pauvres. Repassez-leur vite le gâteau : ils en prendront volontiers une autre part bien méritée.
À compter du 1er mai, fête de tous les travailleurs qui suent et qui puent, le salaire minimum sera de 11,25 $. Une augmentation de cinquante sous. À raison de 40 heures de travail par semaine, cela donne la rondelette somme de 23 400 $ par année.
Après combien de fois ce revenu annuel celui d’un grand patron devient-il indécent ? Cent fois ? Mille fois ? Il n’est jamais question de cela. Après tout, il est beaucoup plus simple de calculer qu’il faut blâmer les gens pauvres d’en vouloir plus.
Il y a plus d’un siècle, au moment où l’on discutait de l’opportunité de limiter la semaine de travail à 40 heures, les grands patrons hurlaient déjà parce qu’on menaçait leur butin de captateurs de valeurs. Les conséquences immédiates prévues de la semaine de 40 heures, selon une affiche patronale française de 1936 ? « Bien-être amoindri, prix de revient majorés, chômage, mévente, misère, vie plus chère ». La peste et le choléra aussi, peut-être ?
Cette incapacité à imaginer la société autrement qu’avec de gros possédants à son sommet justifie aujourd’hui la déshumanisation qui préside aux discours de l’austérité.
À défaut de vouloir considérer les inégalités comme un problème collectif, tout est ramené à de simples questions de finances personnelles et de choix individuels.
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